Analyse du tableau : la Leçon de piano de Matisse

Publié le : 02 octobre 202011 mins de lecture

Dans son atelier d’Issy-les-Moulineaux, Henri Matisse commence à étudier les œuvres et les arts des cubistes. Matisse s’installe à la fin de 1915 après avoir vainement tenté de s’engager pendant la Première Guerre mondiale. Pendant ce temps, l’esprit de géométrie devient sa référence. C’est ici que se produit le changement qu’on voit dans l’œuvre « La leçon de piano tableau Matisse », réalisée en 1916.

Henri Matisse (1869-1954), est un artiste peintre français chef de file du fauvisme. Le fauvisme est un mouvement artistique né au Salon d’automne de Paris, en 1905. Les peintres que l’on qualifiait de fauvistes, font apparaître dans leurs œuvres des couleurs très vives parfois même pures, à peine sorties du tube. Leur volonté est de simplifier les formes et d’utiliser la ligne droite et les courbes.

Peu après, il se rend à Paris. En 1892, Matisse rencontre Albert Marquet à l’École des Arts déco. C’est le début d’une amitié indéfectible entre les deux hommes qui échangeront par la suite une abondante correspondance. En 1895, Matisse s’inscrit à l’École des beaux-arts, dans l’atelier de Gustave Moreau. L’enseignement du maître encourage ses élèves à penser leur art, à la rêver, au-delà de la virtuosité technique. Matisse, comme ses condisciples, Georges Rouault, Léon Lehmann, Simon Bussy, Eugène Martel, Albert Huyot ou Henri Evenepoel, est stimulé par cette conception de la peinture et entend développer la sienne selon son individualité. Gustave Moreau, lors d’une correction,

Cette prophétie peut être considérée comme le programme esthétique de l’œuvre d’Henri Matisse.

La leçon de piano : analyse du cadre

Il s’agit d’une huile sur toile de 245,1 x 212,7 centimètres, conservée au MoMA, à New York. Vous remarquez, par exemple, le changement dans l’utilisation de la peinture et de la couleur. Les plus clairs cèdent la place aux gris et aux tons sombres, les nuances allant du vert au brun en passant par le noir.

Ainsi, dans cette œuvre, Matisse représente son fils Pierre au piano. Son propre père l’a forcé à quitter le lycée pour devenir artiste. Derrière le garçon de seize ans se trouve, sur un grand tabouret, dans un dessin stylisé, Germaine Raynal, l’épouse du critique du cubisme Maurice Raynal.

Dans l’œuvre « La leçon de piano », les lignes droites et les formes géométriques sont mises en évidence, en particulier les triangles. Comme on peut le voir sur le rideau vert, ou le métronome qui repose sur le plan en évidence et aussi sur l’ombre couvrant l’œil droit du pianiste fils.

Cette prophétie peut être considérée comme le programme esthétique de l’œuvre d’Henri Matisse.

Tout est représenté dans une grande pièce composée de lignes géométriques abstraites avec une grande fenêtre qui donne un aperçu d’une pelouse verte stylisée. Ensuite, il y a une petite sculpture avec « Figure décorative » (réalisée en 1908), qui se trouve au premier plan dans un coin à gauche du piano. Celle-ci est faite de formes sinueuses qui contrastent avec l’ensemble géométrique. Pour contraster le gris du métronome, il y a un petit chandelier aux couleurs vives, qui se trouve sur le piano.

La pensée de Matisse

En quelques lignes, Matisse a résumé ses pensées :

« Il ne faut pas considérer la pensée d’un peintre comme étrangère à ses moyens, car ce n’est que dans la mesure où ils lui servent que cette pensée a de la valeur ; et ces moyens doivent être d’autant plus complets (je dis complets, pas compliqués) que la pensée est profonde. Pour moi, il est impossible de distinguer entre le sentiment que j’ai de la vie et la forme sous laquelle je le traduis ».

Puis le peintre a parlé de l’artiste :

« Voir est déjà un acte créatif qui nécessite un engagement. Tout ce que nous observons dans la vie quotidienne souffre plus ou moins de la déformation produite par les habitudes acquises, une question peut-être plus tangible à une époque comme la nôtre, où le cinéma, la publicité et les magazines nous imposent chaque jour un tas d’images déjà préparées, qui dans l’ordre de la perception sont un peu comme des préjugés dans le domaine de l’intelligence. L’effort qu’il faut faire pour s’en débarrasser exige une sorte de courage ; et ce courage ne peut pas faire défaut à l’artiste, qui doit tout voir comme si c’était la première fois ».

Et encore son concept de simplicité et de moyens :

« Les moyens que nous utilisons pour peindre ne sont jamais trop simples. Pour ma part, j’ai toujours cherché à devenir plus simple. La simplicité absolue coïncide avec la plénitude maximale. Et le moyen de vision le plus simple libère au maximum la perception du regard. À long terme, seul le moyen le plus simple est efficace. Mais il faut du courage pour devenir simple, toujours. Je crois que rien n’est plus difficile dans le monde. Ceux qui travaillent avec des moyens simples ne doivent pas avoir peur de paraître insignifiants ».

Gertrude Stein

Matisse rencontre Leo et Gertrude Stein, collectionneurs américains, vivant à Paris, qui lui achètent Femme au chapeau (San Francisco Museum of Modern Art), un portrait de madame Matisse qui était exposé dans la « cage aux fauves ». En 1907, chez eux, il rencontre Picasso. Gertrude Stein définissait les deux artistes comme le « Pôle Nord » (Matisse) et le « Pôle Sud » (Picasso) de l’Art moderne. Fernande Olivier se souvient que dans les dîners en ville, Matisse paraissait docte et professoral, ne répondant que par oui ou non, ou tout d’un coup s’enferrant dans des théories interminables. « Matisse, beaucoup plus âgé, sérieux, n’avait jamais les idées de Picasso25 ! » Puis Matisse retrouve le critique Louis Vauxcelles, à qui il dit avoir vu au jury du Salon un tableau de Georges Braque « fait en petits cubes », que Matisse baptise du nom de « cubisme ».

« Le choix de mes couleurs ne repose sur aucune théorie scientifique. Il est basé sur l’observation, sur le sentiment, sur l’expérience de ma sensibilité. S’inspirant de certaines pages de Delacroix, un artiste comme Signac se préoccupe des complémentaires, et leur connaissance théorique le porte à employer ici ou là, tel ou tel ton. Pour moi, je cherche simplement à poser des couleurs qui rendent ma sensation. Il y a une proportion nécessaire des tons qui m’aident à modifier la forme d’une figure ou à transformer ma composition. Tant que je ne l’ai pas obtenu pour tous les parties, je la cherche et poursuis mon travail. Puis il arrive un moment où toutes les parties ont trouvé leurs rapports définitifs et dès lors, il me serait impossible de rien retoucher à mon tableau, sans le refaire entièrement.

En réalité, j’estime que la théorie des complémentaires, n’est pas absolue. En étudiant les tableaux de peintres dont la connaissance des couleurs repose sur l’instinct et le sentiment, sur une analogie constante de leurs sensations ; on pourrait préciser, sur certains points, les lois de la couleur, recaler les bornes de la théorie de la couleur, telle qu’elle est actuellement admise. »

Cependant, Matisse considérait toujours que :

« Ce que je poursuis par-dessus tout, c’est l’expression. Quelquefois, on m’a concédé une certaine science, tout en déclarant que mon ambition était bornée et n’allait pas au-delà de la satisfaction d’ordre purement visuel que peut procurer la vue d’un tableau. Mais la pensée d’un peintre ne doit pas être considérée en dehors de ses moyens, car elle ne vaut qu’autant qu’elle est servie par des moyens qui doivent être d’autant plus complets (et, par complets, je n’entends pas compliqués) que sa pensée est plus profonde. Je ne puis pas distinguer entre le sentiment que j’ai de la vie et la façon dont je le traduis. »

 Au centre de la salle, un torse d’enfant et un petit buste en marbre, d’Albert Marque, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l’orgie des tons purs : « Donatello chez les fauves.»

« Le fauvisme secoue la tyrannie du divisionnisme. On ne peut pas vivre dans un ménage trop bien fait, un ménage de tantes de province. Ainsi on part dans la brousse pour se faire des moyens plus simples qui n’étouffent pas l’esprit. ll y a aussi à ce moment, l’influence de Gauguin et Van Gogh. Voici les idées d’alors : construction par surfaces colorées, recherche d’intensité dans la couleur. La lumière n’est pas supprimée, mais elle se trouve exprimée par un accord des surfaces colorées intensément. Mon tableau La Musique était fait avec un beau bleu pour le ciel, le plus bleu des bleus. La surface était colorée à saturation, c’est-à-dire jusqu’au point où le bleu, l’idée du bleu absolu, apparaissait entièrement, le vert des arbres et le vermillon vibrant des corps. J’avais avec ces trois couleurs mon accord lumineux, et aussi la pureté dans la teinte. Signe particulier, la couleur était proportionnée à la forme. La forme se modifiait, selon les réactions des voisinages colorés. Car l’expression vient de la surface colorée que le spectateur saisit dans son entier. »

À 81 ans, Henri Matisse représente la France à la XXVe Biennale de Venise.

Installé dans une chambre-atelier à l’hôtel Regina de Nice, il réalise sa dernière œuvre, La Tristesse du roi, une gouache découpée aujourd’hui au musée d’Art moderne du Centre Pompidou.

En 1952 a lieu l’inauguration du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale.

Henri Matisse meurt le 3 novembre 1954 à Nice, après avoir dessiné la veille une dernière fois le portrait de Lydia Délectorskaya, que Matisse disait connaître par cœur, il conclut d’un : « Ça ira ! », expression qui peut être considérée comme ses dernières paroles. Matisse est enterré dans cette ville, au cimetière de Cimiez.

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