L’Ermitage, le musée de Saint-Pétersbourg en Russie

Publié le : 02 octobre 20206 mins de lecture

De nombreux musées dans le monde sont nés des collections excentriques de leurs riches propriétaires : comtes, barons, évêques et cardinaux ont enrichi notre patrimoine artistique au fil des siècles grâce à l’accumulation de chefs-d’œuvre achetés dans le monde entier. Les grands monarques européens ont été le centre de cette immense matrice artistique qui a rassemblé et préservé le meilleur du génie humain dans les salles et les espaces les plus luxueux des grands palais royaux. L’Ermitage de Saint-Pétersbourg représente l’un des exemples les plus frappants d’une collection qui a donné naissance à un musée grandiose.

L’histoire de l’Ermitage

Habituellement, la naissance du glorieux musée de l’Ermitage est associée à la figure du tsar de Russie Pierre le Grand, mais cette hypothèse n’est que partiellement vraie. On pourrait dire que le mérite du tsar était de créer simplement une Wunderkammer, c’est-à-dire un espace dans la résidence royale utilisé pour abriter toutes les merveilles et les raretés du monde naturel, mais c’est la tsarine Catherine II, au milieu du XVIIIe siècle, qui a grandement enrichi la collection, d’abord selon un goût exclusivement esthétique et, plus tard, selon des principes de classement précis dictés par la nécessité de compléter la collection dans toutes ses parties. La tsarine organisa le premier noyau de la vaste collection dans un petit « Ermitage » à côté du Palais d’Hiver, une bonne retraite exploité par Catherine II comme lieu de réflexion et de récréation entre quelques intimes, où en compagnie de l’impératrice sans épée et sans chapeau, il fallait renoncer à son rang et à ses droits de préséance, il fallait faire attention à ne rien casser, il fallait parler à voix basse et il était interdit de bâiller. Ceux qui transgressaient les règles étaient obligés de boire de l’eau fraîche, une véritable insulte à un Russe. Parmi les plantes exotiques, les oiseaux et les petits animaux, une collection si importante qu’elle remplit les espaces de cinq bâtiments situés sur la rive gauche de la Neva : le Palais d’hiver (1754-1762), le Petit Ermitage (1764-1775), le Grand (ou Vieux) Ermitage (1771-1787), le Nouvel Ermitage (1839-1851) et le Théâtre de l’Ermitage (1783-1789).

Historique de la collection

La collection, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a débuté dans les somptueuses salles des domaines impériaux avec l’acquisition de 225 tableaux flamands et hollandais ayant appartenu au marchand allemand, dont le « Portrait d’un homme avec un gant » de Frans Hals. À partir de 1764, pour tenter de concurrencer les collections européennes, Catherine II a fait appel à ses propres ambassadeurs pour acheter les œuvres les plus importantes dans les ateliers de toute l’Europe. Le lien avec la France a été fondamental dans l’histoire de la collection russe, une relation encore visible aujourd’hui dans la riche présence d’œuvres françaises d’une excellence absolue. L’acquisition la plus prestigieuse remonte à 1772 : plus de quatre cents œuvres ont appartenu au banquier parisien, une collection qui comprenait des tableaux de Titien et d’autres parmi les plus grands maîtres de la peinture européenne. En 1779, Catherine a acheté la totalité de la galerie Houghton Hall, y compris cent quatre-vingt-dix-huit tableaux, lors d’une vente aux enchères sur la succession de Sir Robert Walpole. La collection de peintures de l’Ermitage s’est encore enrichie avec la collection du comte Boudoin, qui comprend plus d’une centaine de toiles dont quelques Rembrandt et six portraits de Van Dyck. L’accès du public à la collection a été possible à partir des années 80 du XVIIIe siècle, mais ce n’est qu’en 1805 que le système muséal s’est fait connaître, avec la naissance d’un nouveau concept de musée. Après la mort de la tsarine Catherine II en 1796, la collection s’est considérablement enrichie avec son neveu Alexandre Ier (1777-1825) qui, suite à la victoire sur Napoléon, a acheté en 1814 trente-huit toiles qui avaient décoré la Malmaison de Joséphine Beauharnais, première épouse de l’empereur de France. Au cours du XIXe siècle, une manière de collectionner s’est établie qui n’était pas seulement centrée sur le goût esthétique des tsars, mais aussi et surtout une manière de collectionner basée sur une sélection soigneuse et rigoureuse visant à combler les lacunes et à équilibrer la disproportion entre les différentes écoles, parmi lesquelles la hollandaise avait jusqu’alors clairement prévalu et laissant place à l’intérêt le plus récent pour l’art espagnol. Avec la vente de la collection Barbarigo en 1850, de grandes toiles du Titien et de Véronèse sont arrivées à Saint-Pétersbourg, ainsi que des chefs-d’œuvre de la peinture hollandaise de Jan Provost et Rogier van der Weyden, provenant de la collection de Guillaume II de Hollande. Sous le règne de Nicolas Ier, de nombreux transferts ont eu lieu : en 1866, la « Madonna Litta » de Léonard de Vinci a été achetée à Milan et en 1870, la « Madonna Conestabile » de Raffaello Sanzio. En 1915, le musée a encore accru sa renommée avec l’acquisition de l’immense collection de peintures flamandes de l’explorateur russe P.P. Semyonov Tian Shansky. Avec la Révolution russe, le patrimoine artistique a mûri en grande partie grâce aux réquisitions : des chefs-d’œuvre ayant appartenu aux grandes familles princières et aux familles bourgeoises moscovites ont été intégrés au musée. Avec le démantèlement du musée d’État de Moscou entre 1930 et 1940, les peintures françaises des collections de Schukin et Morozov, les plus grands collectionneurs mondiaux de Matisse, sont arrivées à Leningrad. L’Ermitage possède trente-neuf œuvres de Gauguin et Cézanne issues de cette collection.

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