Pietà Rondanini, histoire et analyse de l’œuvre de Michel-Ange

Publié le : 02 octobre 20208 mins de lecture

La Pietà Rondanini est le testament spirituel de Michelangelo Buonarroti au monde. C’est en fait sa dernière œuvre, qui est restée inachevée lorsqu’en 1564, le maître sculpteur, âgé aujourd’hui de 80 ans, est mort dans son atelier de la Piazza Venezia, à Rome.

L’oeuvre a été découverte en 1564 à Rome, année du décès de Michel-Ange Buonarroti (né à Caprese en 1475). La Pietà Rondanini, représente la Madonne soulevant le corps mort de son fils, Jésus, après la crucifixion. C’est une sculpture différente des autres travaux de l’artiste.

Pietà Rondanini : une histoire créative de 12 ans

On dit que Michel-Ange a commencé à travailler sur la Pietà qu’il voulait placer sur sa tombe dès 1550. Cette première tentative a cependant échoué lamentablement en raison de problèmes structurels et matériels imprévus : l’œuvre, à peine plus qu’esquissée, a été littéralement mise en pièces par son créateur.

En 1555, Michel-Ange revient à son projet sculptural et révolutionne tout. Il a totalement changé la position des deux sujets. Le Christ tel qu’il est esquissé (les jambes et peu d’autres choses) se transforme en Madone et vice versa.

Du corps de Marie, elle obtient le nouveau Jésus ; de l’épaule gauche de ce nouveau Christ naît la Vierge. Mais nombreux sont les détails qui ne verront pas la lumière. Michel-Ange, en effet, meurt subitement le 18 février 1564, laissant l’œuvre inachevée.

Ce groupe sculptural est une commande du cardinal français Jean Bilhères de Lagraulas, dit aussi Jean Villiers de la Groslaye, abbé de la basilique Saint-Denis, cardinal et ambassadeur de France auprès du pape. Elle se fait par l’intermède du mécène et protecteur romain de Michel-Ange, le banquier Jacopo Galli. Le contrat date du 27 août 1498 et stipule une rétribution de quatre cent cinquante ducats d’or en monnaie pontificale. La sculpture est destinée à orner le monument funéraire en mémoire du roi défunt Charles VIII, mort le 7 avril 1498, dans la chapelle Santa Petronilla, dite « des rois de France » de l’ancienne basilique Saint-Pierre. Le sculpteur choisit de la réaliser en marbre de Carrare extrait de la carrière de Polvaccio qu’il sélectionne pour sa couleur crème évoquant la chair. Pour respecter l’échéance du contrat prévue en août 1499, Michel-Ange travaille quelque vingt heures par jour sur un seul bloc de marbre. Travaillant au ciseau et marteau à sculpture, il polit le marbre à la pierre ponce pendant des semaines afin qu’il brille dans la chapelle sombre. Devant être exposée de face, il laisse le dos inachevé1. Elle est finalement achevée au printemps 1499.

Lorsqu’elle est exposée dans la basilique, Vasari s’exclame : « Comment main d’artisan a-t-elle pu si divinement accomplir, en si peu de temps, une œuvre aussi admirable ? Cela relève du miracle : qu’un rocher informe ait atteint une perfection telle que la nature ne la modèle que si rarement dans la chair ».

Détail de la statue mutilée.
Le 21 mai 1972, jour de la Pentecôte, un déséquilibré du nom de Laszlo Toth mutile la sculpture en la frappant de quinze coups de marteau, brisant notamment le nez de la Vierge et une partie du bras. L’œuvre d’art a depuis été restaurée. Elle est à présent protégée derrière une vitre blindée. Une journaliste pense voir sur la main gauche de la Vierge le monogramme de Michel-Ange resté caché : un « M » dessiné sur la paume avec les lignes de la main. Cette fable ne provient pas d’historiens. Toute main repliée reproduit ces lignes et l’artiste est animé d’une volonté de mimétisme.

Ce qui est frappant en regardant cette œuvre est l’âge de la Vierge particulièrement jeune. Contrairement à d’autres Pietà, comme celle dite de Villeneuve-lès-Avignon d’Enguerrand Quarton ou celle de Bronzino, Michel-Ange donne plus d’importance à la beauté de la Vierge qu’à sa douleur.

Ce mélange entre la beauté païenne et la religion est une caractéristique que l’on retrouve très fréquemment dans l’œuvre de Michel-Ange.

Le Christ quant à lui est représenté selon son âge et semble donc plus vieux que sa mère. Michel-Ange s’en est expliqué à Ascanio Condivi : « Ne sais-tu pas que les femmes chastes se conservent beaucoup plus fraîches que celles qui ne le sont pas ? Combien plus par conséquent une vierge, dans laquelle jamais n’a pris place le moindre désir immodeste qui ait troublé son corps… ».

La position des deux mains de Marie est fondamentale pour la compréhension de l’œuvre. La main droite, crispée, mobilise toutes les forces de Marie pour retenir le corps de son fils. La main gauche, avec la paume ouverte, l’index tendu, le majeur ainsi que l’annulaire légèrement repliés, atteste de la nature douce et charitable de la Vierge Marie, de son pardon (main tendue), mais aussi de son malheur (majeur et annulaire repliés).

La Pietà devient Rondanini : le parcours de la sculpture jusqu’à aujourd’hui

En 1744, 200 ans après le dernier ciseau, l’œuvre a été ramenée au public et achetée par les Marquis Rondanini qui l’ont placée dans le palais de leur famille, dans la Via del Corso, également à Rome.

Plus de 100 ans plus tard, en 1904, le comte Vimercati San Severino a acheté la sculpture pour la placer sur un autel funéraire romain de l’œuvre de Trajan représentant Marc Antoine et sa femme Giulia Filomena Asclepiade.

En 1952, il est finalement acheté par la municipalité de Milan. Aujourd’hui, à son mètre quatre-vingt-quinze, il se trouve à l’intérieur du Museo del Castello Sforzesco.

Description et commentaire de l’œuvre

La Pietà Rondanini est une sculpture orientée verticalement, d’une manière totalement novatrice par rapport à ce qui se faisait à l’époque. Il fait presque deux mètres de haut et est fait de marbre.

L’innovation de cette dernière version de la Pietà est précisément la verticalité qui définit une solide unité entre les deux protagonistes : la mère et le fils. Cette solidité, poétiquement, s’oppose à l’incomplétude.

La position granitique de la Madone et du Christ contraste avec la fragilité et l’instabilité de l’ensemble de la sculpture.

Le sculpteur britannique Henry Monroe, dans son analyse précise de l’œuvre, souligne cette dichotomie : solidité contre instabilité et, par traduction, réalité contre sentiment.

Ce dernier Michel-Ange a abandonné le dynamisme de l’espace complet et plein, pour se tourner vers la verticalité gothique et expressionniste. En même temps, il lâche la magnificence de la forme pour ne mettre sous les yeux de son spectateur que les sentiments, libérés de ses fameuses virtuosités. Ce dernier Michel-Ange est plus intime et plus intimiste.

L’œuvre se distingue par l’opposition conceptuelle du vide et du plein, de la vie et de la mort. Dans cette réflexion, enfin, il y a le point d’arrivée de la dialectique entre l’œuvre et l’artiste.

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